Se constituer un patrimoine ou devenir son propre patron semblent être de bonnes raisons pour ouvrir une franchise avant la retraite. Dans les faits néanmoins, les candidats qui se lancent la cinquantaine passée le font souvent à la suite d’un retournement de situation professionnelle. Car exercer comme son propre patron est un projet très prenant et peu rémunérateur au début. Quitter le “confort” du salariat ne peut pas se faire sans sacrifice et exige une bonne dose de motivation pour franchir le pas… et réussir.
En franchise, la sagesse n’attend pas le nombre des années. 43 % des entrepreneurs sous enseignes ont ouvert leur premier point de vente entre 18 et 34 ans, selon l’enquête annuelle de la Fédération française de la franchise de 2015. L’âge moyen d’ouverture d’une première unité est de 36 ans. Ce résultat ne semble pas si surprenant étant donné l’énergie et l’investissement qu’exigent l’entrepreneuriat, même s’il se déroule dans le cadre plus sécurisant de la franchise. Les franchisés qui se lancent la cinquantaine passée ou à quelques années de la retraite sont plus rares : ils représentaient 7 % des nouveaux entrepreneurs sous enseigne cette année. Quel motif peut pousser ces seniors à s’aventurer dans une telle entreprise ? “Parmi les professionnels qui ont dépassé la cinquantaine, il est assez rare qu’ils se lancent volontairement, observe Théodore Gitakos d’Épac international. En général, cette décision est prise à cause de la conjoncture, ou à la suite d’un dégraissage de leur entreprise. Ils peuvent alors bénéficier d’un plan de restructuration ou de licenciement, ce qui leur offre un apport personnel. Vient alors la question de ce qu’ils vont faire jusqu’à la retraite.” De nombreux cadres qui subissent un licenciement économique se tournent vers la franchise à défaut de pouvoir trouver un poste équivalent à celui qu’ils occupaient auparavant. Cela dit, se lancer avant la retraite est aussi l’occasion pour certains de saisir une dernière chance de faire autre chose dans leur carrière. C’est le cas par exemple du franchisé Cash Express Thierry Boucher, qui est devenu franchisé alors qu’il avait une cinquantaine d’années. “Je m’étais toujours dit qu’à 50 ans, il faudrait que je fasse autre chose. En tant que directeur d’usine, je savais gérer un compte et obtenir des résultats. Cet âge était une limite pour deux raisons. D’un point de vue personnel, j’ai fait quelque chose de différent tous les dix ans dans ma carrière, en changeant d’entreprise, par exemple. La deuxième raison repose sur une question de date. Un contrat de franchise dure en général sept années. Le temps de monter un projet, cela nous emmène à 57, 58 ou 59 ans, soit pas trop loin de la retraite, la question se pose vraiment.” L’enjeu consiste alors à se donner un dernier défi professionnel.
La question de la transmission
Ouvrir une franchise permet également de se constituer un patrimoine. Mais alors que les futurs retraités pourraient être les premiers intéressés par cet argument, il est loin d’être mentionné en priorité. Marie-Hélène Da Piedade, franchisée Carrément Fleurs à Auch (32), indique vouloir préparer par ce biais-là une “troisième partie de vie”, mais accessoirement seulement. Néanmoins, la question de la transmission a toujours été dans les esprits de la famille. Son entreprise a été créée sous la forme d’une SAS (société par actions simplifiées), en intégrant dans l’affaire les deux enfants du couple comme actionnaires. “Cela avait une valeur morale pour nous, explique-t-elle. C’était une manière d’engager toute la famille dans l’aventure.” La transmission, et de manière plus générale la cession de l’entreprise, est une question que se posent les franchisés mais plutôt quand l’heure de la retraite arrive et non au moment de lancer leur business. Entreprendre est un engagement beaucoup trop important pour se lancer uniquement en pensant à l’issue de l‘activité. Le chemin est ce qui compte le plus…
Côté franchiseurs, les avis sont partagés quant à faire rentrer ou non un franchisé proche de la retraite. Il est sûr qu’un candidat cinquantenaire a pour lui l’atout de l’expérience. “Le franchiseur m’a dit que certains s’installaient un peu trop jeunes et sans expérience, souligne Thierry Boucher. Le fait d’avoir géré des petites équipes, des stocks, de la vente m’a énormément servi. Je sais immédiatement ce qu’il faut faire. Je pense que les dirigeants d’enseigne préfèrent les gens d’expérience qui ont la tête sur les épaules. Les jeunes peuvent faire des boulettes sur des questions de gestion. L’âge est une force pour ne pas faire de bêtise.”
Le problème du caractère
Cela dit, les franchisés qui ont déjà été chefs d’entreprise ou qui ont une bonne expérience en tant que dirigeant peuvent avoir une indépendance parfois difficile à adapter à la vie d’un réseau. Pour cette raison, sauf pour ceux qui se présentent comme investisseurs, ces candidats ne sont pas prioritaires pour certains franchiseurs, à l’instar de Bernard Tardy, président d’Help Confort, enseigne de dépannage à domicile d’urgence. “Je ne suis pas hostile ! Mais il faut voir au cas par cas. Certains ont les idées bien arrêtées, or pour rejoindre un réseau, il faut avaler des méthodes, se contraindre à un savoir-faire. Les plus de 50 ans ne sont pas les plus à l’écoute, quand il y a de nouveaux outils, par exemple. Les jeunes sont plus souples et plus respectueux. Ils posent aussi plus de question. Cela dit, il y a des personnes dans le réseau qui ont bien réussi ! Elles m’ont convaincu par leur dynamisme. Mais j’évite les gens qui ont un tempérament conflictuel. Cela peut se ressentir au bout de deux ou trois heures passées avec un candidat.”
La question des banques
L’argument de l’âge peut donc être positif comme négatif aux yeux des franchiseurs. Mais la question se pose aussi par rapport aux autres partenaires, et notamment vis-à-vis des banques. Marie-Hélène Da Piedade en a fait l’expérience. “Il est très difficile d’emprunter de l’argent pour investir dans un projet comme le mien à mon âge sans être soutenu par une franchise, commente-t-elle. Surtout quand vous n’avez pas encore d’autres magasins, ce qui peut faire la différence. Vous devez montrer patte blanche. Mais si demain je veux un autre magasin, comme j’aurais passé les 55 ans, ce sera un autre parcours du combattant…” Néanmoins, les banques apprécient les cadres seniors ayant de l’argent à mettre sur la table à la suite d’un plan de départ par exemple. Les plus âgés ont souvent eu le temps de cumuler un patrimoine que les jeunes n’ont pas. “J’avais ma maison, de l’argent obtenu par rupture conventionnelle, un tas de choses concrètes qui rassurent les banques, souligne Thierry Boucher. Entre un cinquantenaire qui a du patrimoine et un jeune de 25 ans, le banquier est plus rassuré par le premier.”