L’adoption de la loi de finances rectificative de 2015 a réduit comme une peau de chagrin le champ des PME bénéficiaires d’un mécanisme vertueux, le dispositif ISF/ PME. Il ne profite maintenant essentiellement qu’aux entreprises en création ou de moins de sept ans. Par Éric Plat, président de la Fédération du commerce coopératif et associé.
Cette évolution supprime un dispositif d’incitation fiscale à fort effet de levier, facilitant le réinvestissement direct dans l’économie réelle le fruit de l’ISF lui donnant un rôle non plus punitif, mais moteur de croissance. En effet, il avait prouvé son efficacité auprès des coopératives de commerçants. Ne pouvant rémunérer leur capital, ces dernières avaient trouvé, grâce à cette incitation fiscale, une opportunité pour lever des capitaux qu’elles ne pouvaient pas réunir sans l’attractivité de cette mesure.
La FCA interpelle les pouvoirs publics et regrette à nouveau leur méconnaissance du modèle du commerce coopératif et associé. Toutes les PME de l’économie sociale et solidaire sont soumises aux mêmes contraintes financières et les coopératives de commerçants auraient dû continuer de bénéficier de ce dispositif indispensable pour pérenniser leurs activités.
Pallier l’absence de rémunération du capital des coopératives
Toute personne redevable de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) avait la possibilité d’investir dans le capital de toute PME et ainsi bénéficier d’une réduction de l’ISF de 50 %, plafonnée à 45 000 euros. L’investissement concerne non seulement des souscriptions d’actions ou de parts de sociétés, mais également la souscription de titres participatifs au sein de sociétés coopératives.
En tant que sociétés de personnes et non de capitaux, les coopératives sont contraintes par la loi à une rémunération très encadrée de leurs capitaux (Taux moyen des obligations). De par leur impossibilité de lever des fonds via la bourse, elles souffrent d’un déficit de capitaux propres et donc d’un pouvoir incitatif assez faible pour des investisseurs.
Le dispositif ISF/ PME, qui a été instauré dans le cadre de la loi TEPA, permettait de trouver une solution concrète notamment dans les montages financiers qui combinaient emprunt bancaire, obligations convertibles et investissement en capital par des personnes physiques.
Une loi qui détruit la dynamique de l’investissement et en oublie les spécificités des coopératives….
La Fédération se demande pourquoi les spécificités du modèle coopératif n’ont pas été entendues. Elle regrette que les instances compétentes ne comprennent un modèle économique incontestablement utile à la société. Nos coopératives de commerçants sont créatrices d’emplois durables en local et cela dans un contexte économique tendu. Elles investissent et ont ainsi un effet vertueux sur l’économie locale car l’investissement est l’un des deux piliers de la croissance dont la France a tant besoin pour créer des emplois.
Nos coopératives de commerçants ne sont pas présentes sur les marchés de capitaux : notre développement dépend donc uniquement de nos fonds propres ou du crédit. Nous sommes des sociétés de moyens tournées vers nos entrepreneurs et ne rémunérant pas le capital. L’article 13 du projet de loi de finances rectificative qui a été adopté, recentre le dispositif ISF/ PME sur les entreprises en création ou de moins de sept ans et exclut d’exonération fiscale les souscriptions effectuées après le 1er janvier 2016 dans les PME de plus de 7 ans, touchant ainsi un grand nombre d’acteurs du commerce coopératif et associé.
A-t-on oublié le poids économique de ce modèle d’organisation en réseau qui représente plus de 7% du PIB ? La Cour de justice de l’Union européenne reconnait que les coopératives peuvent bénéficier d’un traitement particulier au regard du droit de la concurrence, et plus particulièrement au regard du régime d’aides d’État. Il était possible d’ouvrir le régime exonération aux coopératives de plus de sept ans.
C’est pourquoi le modèle coopératif doit être soutenu et compris au travers de ses spécificités. Le dispositif ISF/ PME était l’un des derniers outils nous permettant de maintenir et faire grandir nos groupements dans un environnement toujours plus contraint par les réglementations. De plus, le droit européen des aides d’État n’empêche pas de réserver un sort particulier aux PME de l’ESS en raison de leurs spécificités. Alors pourquoi ne pas traduire cette spécificité dans le droit français ?
Un véritable effet de levier pour les coopératives
Dans les faits, une coopérative de commerçants détaillants a ainsi pu, pour un adhérent employant 80 salariés et réalisant 30 millions d’euros de chiffre d’affaires, obtenir 1,7 million d’euros d’apport dont 25 % via l’ISF/ PME.
À titre d’exemple, la Socorec, coopérative de commerçants détaillants dédiée à l’accompagnement financier multi-enseignes, utilise cet outil de manière mutualisée afin de lever des fonds et d’octroyer des prêts utiles aux points de vente. En bénéficiant de ce dispositif ISF/ PME, cet organisme financier, avec 3 millions d’apports a permis la levée de 200 millions de crédits bancaires finançant plus de 130 projets.
Ces démonstrations illustrent en quoi ce mécanisme était une véritable aide au développement des réseaux permettant d’en assurer la pérennité au travers des créations mais également des transmissions. Aujourd’hui, les groupements indépendants font face à un grand nombre de départs en retraite des commerçants, disposant parfois de plusieurs points de vente et doivent relever le défi consistant à trouver un repreneur disposant de la capacité financière suffisante. L’adoption de cette loi porte atteinte à de nombreux réseaux du commerce coopératif sachant que 30 % des transmissions permettent à des salariés de devenir entrepreneur.