Certains réseaux concèdent une exclusivité territoriale à leurs franchisés. Un avantage qui leur permet de se développer plus sereinement mais qui doit être très clairement détaillé dans le contrat pour éviter toute contestation.
La clause d’exclusivité territoriale permet au franchisé de commercialiser sans concurrence les produits de son franchiseur dans un secteur contractuellement défini. “Cette clause n’est pas obligatoire dans les contrats de franchise mais le plus souvent les têtes de réseaux consentent à accorder une exclusivité territoriale aux franchisés qui veulent être sécurisés dans leur développement”, explique Rémi de Balmann, avocat associé et gérant du cabinet D, M & D. Dans le détail, l’exclusivité territoriale concerne d’abord une zone géographique déterminée.
“Elle peut être délimitée par rapport à des circonscriptions administratives (ville, arrondissement, département, etc). Plus elle est précise mieux c’est, et cela évitera tout litige”, précise, de son côté, Frédéric Fournier, avocat associé au cabinet Redlink. attention donc, aux contrats dans lesquels ce secteur serait défini de façon trop floue.
“Il n’y a pas de règle absolue en ce qui concerne la manière de délimiter la zone d’exclusivité. Souvent, le franchiseur consent une ville à un franchisé mais si l’enseigne maille davantage le territoire, cela peut être la zone sud ou nord de la commune, par exemple, complète Rémi de Balmann. Quoi qu’il en soit la délimitation est importante car lorsque l’on consent une exclusivité territoriale, elle est entendue strictement. Le franchiseur a donc le droit d’implanter une franchise juste en dehors de la zone, c’est-à-dire à une rue près.”
Des exceptions à la clause d’exclusivité
En ce qui concerne la durée de l’exclusivité territoriale consentie, l’avocat associé au cabinet Redlink précise qu’elle sera la plupart du temps “calquée sur celle du contrat”. Mais il explique également qu’elle peut aussi être plus courte. “Dans ce cas, il est possible de demander au franchiseur de la rallonger ce qui va faire, ensuite, l’objet de négociations commerciales.” Toutefois, il ajoute que ce dernier a peu d’intérêt à consentir une exclusivité territoriale d’une durée trop longue car cela peut le corseter dans son développement. C’est pourquoi certains réseaux prévoient des exceptions à la clause d’exclusivité. “Souvent le franchiseur rajoute une dérogation au contrat qui lui permet d’ouvrir un nouveau point de vente dans la zone d’exclusivité s’il y a un intérêt avéré à le faire, met en garde Frédéric Fournier. En général, il va proposer au franchisé d’ouvrir une deuxième franchise dans son secteur mais s’il refuse il pourra le proposer à un autre franchisé ou s’y installer lui-même en propre.” Rémi de Balmann note de son côté que le franchiseur peut aussi se réserver des territoires à l’intérieur de la zone d’exclusivité territoriale de son franchisé. “Il peut s’agir d’une gare, d’un aéroport ou d’un centre commercial où il pourra implanter des corners, par exemple”, analyse l’avocat.
Attention donc à bien lire entre les lignes du contrat ! Le professionnel précise aussi que le franchisé doit avoir à l’esprit que la clause d’exclusivité territoriale contraint le franchiseur mais aussi le franchisé. “Ce dernier bénéficie de l’exclusivité d’un territoire mais le contrat prévoit aussi qu’il doit respecter ceux des autres. À l’intérieur de sa zone, le franchisé peut prospecter mais pas en dehors sinon il porte atteinte aux droits des autres franchisés.” Frédéric Fournier confirme également que le membre du réseau ne peut pas prospecter activement dans la zone d’exclusivité d’un autre franchisé mais ajoute qu’il peut toutefois recevoir des commandes de clients basés sur un autre secteur.
Les bénéfices de la vente sur Internet
Sachez enfin qu’en ce qui concerne la vente sur la Toile, la législation est claire en la matière. En 2006, la Cour de Cassation a en effet jugé que “la création d’un site Internet n’est pas assimilable à l’implantation d’un point de vente dans le secteur protégé”*. En définitive rien n’oblige donc le franchiseur à reverser à ses franchisés une contrepartie financière des ventes qu’il a réalisées via son site Web. “La création et le développement d’un site marchand du franchiseur ne porte en rien atteinte à l’exclusivité territoriale consentie au franchisé, confirme l’avocat associé et gérant du cabinet D, M & D. Les franchiseurs associent souvent leur développement à Internet et beaucoup de réseaux ont d’ailleurs mis le Web au service de leurs franchisés.” Frédéric Fournier explique d’ailleurs que certains franchiseurs n’hésitent pas à coopérer sur le sujet avec les membres du réseau.
“Certains versent une commission à leurs franchisés sur les ventes réalisées par Internet dans leur zone. D’autres ont mis en place un système qui permet aux consommateurs qui commandent sur le site Web du franchiseur dans la zone du franchisé d’acheter en réalité directement les produits de ce dernier, ajoute l’avocat associé au cabinet Redlink. Certains franchiseurs ont aussi organisé une sorte de société coopérative dont les franchisés sont actionnaires et chacun bénéficie de l’activité Web de l’enseigne.” Il précise enfin que, globalement, la clause d’exclusivité fait “assez peu” l’objet de litiges. “Aujourd’hui, certains réseaux n’inscrivent pas de clause d’exclusivité territoriale dans leur contrat de franchise mais précisent en réalité la zone de chalandise dans laquelle le franchisé exercera son activité, conclut-il. C’est un secteur qui présente une densité de population importante et il n’y a pas d’exclusivité territoriale. Des litiges peuvent toutefois survenir. Un franchisé peut alors accuser son franchiseur, qui se serait installé dans la zone, de concurrence déloyale ou lui reprocher ne pas l’avoir implanté dans un territoire assez dynamique en matière commerciale pour qu’il puisse y travailler.”
* Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 14 mars 2006, 03-14.639