Par François Gagnon, président Era Europe et Era France.
La situation en France est proprement indigne : plus que partout ailleurs dans le monde, le clivage est total entre ceux qui décident, dans l’exécutif ou dans le corps législatif, et les forces vives de la nation, pour reprendre l’expression consacrée. Rares sont les entrepreneurs qui briguent des mandats publics et les acteurs de l’économie sont pour l’essentiel dans les mains de femmes et d’hommes sans conteste intelligents,mais méconnaissant le monde de l’entreprise. Nous vivons sur un principe très contestable : comme le vieil adage considérait qu’il était dangereux de confier aux militaires le maniement des allumettes, on estime en France que les acteurs de l’économie seraient bien incapables de décider de ce qui est bon pour l’économie.
Soit. Ce principe serait vertueux à deux conditions. Il faudrait d’abord que les décideurs politiques soient compétents en matière d’économie et d’entreprise, et il faudrait qu’ils vivent le même lien que les entrepreneurs entre le mérite et sa reconnaissance financière.
En clair, moins d’un parlementaire sur dix est familier de l’entreprise. Au gouvernement ou à la tête des exécutifs locaux, même constat.
Quant à la reconnaissance financière, l’indemnité parlementaire ou ministérielle, complétée de diverses lignes peu lisibles allant de l’indemnité mensuelle informatique aux frais de représentation, est totalement décorrélée des performances et des résultats Cette insupportable distance entre l’action et ses conséquences valent pour la politique en général. Elle vaut plus encore pour l’immobilier.
Je pense que les parlementaires de la commission des affaires économiques devraient au cours de leur mandat suivre la vie d’une agence immobilière ou d’un cabinet d’administration de biens pendant quinze jours.
Il est vital que les corps intermédiaires, à savoir les organisations professionnelles, mais aussi les principaux opérateurs, soient associés à la décision politique bien plus franchement qu’ils ne le sont… et que leurs avis soient entendus.
La création du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières était porteuse de cet espoir. Il est jusqu’à présent déçu : les ministres ne tiennent pas grand cas des analyses techniques et des souhaits formulés par ce cénacle professionnel, alors même que les avis y sont le plus souvent consensuels, réunissant professionnels et consommateurs !
Jusqu’à quand les pouvoirs publics se considèreront-ils seuls dépositaires de l’attachement à l’intérêt général et de la compétence ?