Lorsqu’un franchisé rencontre un problème avec son franchiseur, il existe plusieurs moyens de le résoudre avant de passer par la case tribunal. Mais si le franchiseur ne veut rien entendre, le franchisé pourra lui intimer l’ordre de respecter ses obligations, sous peine de quitter le réseau*.
Le climat n’est pas toujours au beau fixe entre un franchisé et son franchiseur. Des différends peuvent survenir au cours du temps et dégrader leur relation à vitesse grand V. La liste des litiges rencontrés est longue ! Parmi les plus courants, on compte ceux relatifs à un manque d’assistance du franchiseur. “ll arrive que ce dernier n’envoie pas assez fréquemment ses animateurs voir le franchisé et le laisse gérer seul ses problèmes”, précise Charlotte Bellet, avocat associé du cabinet Meresse. Elle observe aussi habituellement des problèmes liés à un défaut d’approvisionnement des franchisés par le franchiseur. Et cela en particulier quand ils sont liés par un contrat de franchise dans lequel une clause prévoit un approvisionnement exclusif. “C’est un constat que l’on fait souvent dans les franchises du domaine alimentaire ou dans le prêt-à-porter. Et quand le franchiseur ne joue pas son rôle, cela peut avoir des conséquences financières importantes pour le franchisé notamment pour ceux qui ont une activité liée à une saisonnalité, précise Charlotte Bellet. Imaginez ce que cela peut représenter pour un franchisé qui vend du chocolat et qui n’a pas reçu sa marchandise à Noël et à Pâques alors qu’il réalise 50 % de son CA à ces périodes-là. De même un magasin de chaussures sera fortement pénalisé s’il n’est pas livré pour la rentrée scolaire.”
Un défaut de transmission du savoir-faire
D’autres litiges encore concernent la publicité. “Certains franchisés estiment que le franchiseur ne développe pas assez sa notoriété au niveau national, explique l’avocate. Or, ces entrepreneurs payent une redevance de communication qui est censée justement servir à développer la popularité de l’enseigne.” Un problème d’autant plus mal vécu par le dirigeant quand il observe que ses concurrents communiquent tous azimuts sur leur marque. Parmi les griefs, certains franchisés déplorent également une forme de concurrence instituée par le site Web du franchiseur. “Je pense au cas d’une enseigne dans le prêt-à-porter qui a lancé un site de vente en ligne avec des prix très intéressants, précise Charlotte Bellet. À cause de cela, les boutiques des franchisés sont devenues des cabines d’essayage pour les clients qui font en définitive leurs courses sur le site Internet du franchiseur qui propose de meilleurs tarifs qu’en magasin.”
De son côté Mathieu Cavard, avocat associé au sein du cabinet Meyer Sagnier & Cavard, observe qu’un grand nombre de litiges ont trait à la rentabilité de la franchise. “Il arrive que dans le compte d’exploitation prévisionnel contenu dans le DIP, le franchiseur indique une rentabilité de son concept qui n’existe pas, explique-t-il. Il peut y avoir un véritable fossé entre le CA prévisionnel annoncé et celui réalisé par le franchisé après quelques mois d’exploitation.” Enfin, autre défaut constaté, celui de la non-transmission d’un savoir-faire de la part du franchiseur. “Certains réseaux, dans l’immobilier par exemple, n’ont pas réellement de savoir-faire à révéler à leurs franchisés puisque leurs techniques de vente sont les mêmes que chez les concurrents, détaille l’avocat. D’autres encore ne mettent pas à jour leur savoir-faire ce qui permettrait pourtant à l’enseigne d’être plus compétitive. C’est le cas dans certaines chaînes de restauration rapide dans lesquelles on retrouve toujours la même carte année après année.”
Créer un rapport de force
Une fois le problème constaté, le franchisé pourra opter pour différentes possibilités afin de le régler. Charlotte Bellet insiste tout d’abord sur le dialogue pour résoudre le litige. “Je recommande au franchisé de commencer par écrire un mail à son franchiseur pour l’alerter sur le problème rencontré et chercher des solutions, explique l’avocate. On doit s’attendre à ce que son franchiseur y réponde.” Une solution préconisée également par Mathieu Cavard. “Il est nécessaire d’acter les griefs. L’écrit laisse une trace à la différence d’un contact téléphonique qui n’est pas recevable en tant que preuve.”
Malgré tout si le franchisé n’obtient pas de réponse, Charlotte Bellet recommande alors de créer une commission de réflexion au niveau du réseau. “L’idée c’est de regrouper les autres franchisés sur une thématique pour parler au franchiseur et lui proposer des pistes d’amélioration, précise encore l’avocate. Il est rarissime qu’un franchisé soit isolé avec son problème. La plupart du temps, le souci concerne 90 % du réseau.” Dans le cas où cette démarche ne permettrait pas de régler le différend, Charlotte Bellet conseille alors au franchisé de créer un véritable groupement. “Il s’agit là d’opérer un rapport de force dans le dialogue. Tant que les franchisés ne sont pas unis, certains franchiseurs ne bougent pas.”
Autre solution possible à ce stade : faire appel à la médiation de la Fédération française de la franchise (FFF). Les deux parties seront alors convoquées par l’institution pour le règlement du litige grâce à l’intervention d’un médiateur. Lorsque la médiation aboutit, une transaction est signée entre les parties. Mais bien sûr, cette initiative repose sur la seule volonté du franchisé et du franchiseur tant dans sa mise en place que dans l’élaboration de la solution.
Une procédure longue et coûteuse
Franchisé et franchiseur pourront aussi tenter un règlement à l’amiable notamment grâce à l’intervention de leurs avocats respectifs. “Cette procédure peut être éventuellement prévue ou imposée dans les contrats de franchise”, note Mathieu Cavard. Mais si malgré tout le franchisé ne parvient pas à se faire entendre, il n’aura d’autre choix que de mettre en demeure son franchiseur. “La plupart des contrats de franchise stipulent une clause selon laquelle, la partie qui estime que son cocontractant manque à l’une des obligations mises à sa charge dans le contrat, doit lui adresser une lettre recommandée le mettant en demeure d’exécuter ladite obligation sous un délai de 30 jours, détaille Charlotte Bellet. Ce préalable est nécessaire avant de tirer la conséquence du manquement : soit le non-paiement d’une redevance (si le manquement vient du franchiseur), soit la résiliation du contrat aux torts de la partie défaillante (si le manquement concerne une obligation essentielle du contrat).” Elle précise qu’à défaut d’une clause contractuelle expressément indiquée dans le contrat, cette mise en demeure préalable à une action judiciaire est un usage en matière de franchise.
De son côté, Mathieu Cavard rappelle qu’une procédure judiciaire est souvent longue et coûteuse. “Partir en contentieux, c’est prendre le risque de s’engager dans une procédure qui peut durer plusieurs années, explique l’avocat. Cela suppose aussi des capacités financières et être prêt mentalement. Mais cela est toutefois nécessaire dans certains réseaux où la négociation n’est pas possible.” Selon Charlotte Bellet, les franchises qui mettent réellement en place un partenariat gagnant-gagnant et souhaitent que le réseau fonctionne ne se retrouvent généralement pas devant le juge. “Le franchiseur qui est vraiment dans l’esprit de la franchise trouve toujours des solutions.”
*Article publié dans le numéro de février 2015 de L’Officiel de la Franchise.