Aux candidats à la franchise tentés par la douceur du midi, attention ! Le climat n’est pas un argument pour se lancer dans l’entrepreneuriat, même dans le cadre sécurisant d’un réseau. La réalité économique du Languedoc-Roussillon est très spécifique et pour réussir son installation, il faudra se montrer particulièrement stratégique en termes de choix de secteur comme d’emplacement. Il ne vous restera plus, ensuite, qu’à conquérir le cœur des habitants…*
Si l’on évoque le Languedoc-Roussillon, l’image d’un soleil brillant et la musique de l’accent du midi viennent faire rêver les esprits. Certains se laissent séduire et partent s’installer dans la région pour profiter de sa douceur de vivre. Sylvie Hébert, franchisée Au Bureau à Montpellier, acquiesce : “Le soleil dès le matin aide à démarrer la journée de manière positive ! Il est en effet très agréable de vivre dans le Sud.” Or, le bon vivre a un coût. “Il y a du potentiel. Par exemple, j’ai trouvé que les supermarchés étaient remplis de monde, en comparaison avec la Normandie d’où je suis originaire. Le flux de clients me paraît énorme ! Mais pour réussir, il a fallu travailler dur.” Et en effet, les spécialistes de la franchise insistent : entreprendre dans la région pour son ensoleillement n’est pas une bonne idée. “Certains entrepreneurs confondent travail et vacances, et partent pour le Sud sans avoir étudié la typologie des villes ni leur organisation, explique Philippe Lefebvre, fondateur du cabinet ST Developments. Or, la situation économique du Languedoc-Roussillon est compliquée. Le soleil impulse certes des activités, mais il ne faut pas se tromper de secteur.” Les habitants vivant beaucoup à l’extérieur, le marché de l’équipement de la maison fonctionne donc plutôt bien, comme celui du jardin, du barbecue, ou encore de la construction et de l’entretien de piscines. Les services à la personne représentent également un secteur porteur au vu de la démographie dans la région. Selon l’Insee, l’indice de vieillissement de la population, qui désigne le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus pour 100 personnes âgées de moins de 20 ans, va croissant et se trouve supérieur à celui de la moyenne nationale. À titre d’exemple, en 1990, la région comptait 93 personnes de plus de 60 ans contre 100 âgées de moins de 20 ans (68 dans la France entière). En 2013, elles étaient 118 pour 100 jeunes de moins de 20 ans (99 au niveau national), et les projections pour 2030 étaient de 145 pour 100 (130).
L’attraction du littoral
Atout principal de la région, le climat et le littoral assurent toutefois une forte présence touristique, et le dynamisme économique qui va avec. Le secteur se porte toujours bien grâce à une fréquentation de la clientèle en hausse (+ 1,8 % selon les chiffres 2014 de la CCI régionale). Mais le tourisme implique aussi une saisonnalité des activités qui est à prendre en compte avant de s’installer. En hiver, elle est cependant compensée par la présence de nombreux étudiants dans une ville comme Montpellier qui en comptait plus de 52 000 en 2008 selon l’Insee**. “Les mois de mai et juin sont en revanche plus difficiles car les étudiants sont partis et les touristes ne sont pas encore arrivés, commente Sylvie Hébert. Mais j’en profite pour mettre mon personnel en vacances. L’été, l’activité se montre un peu plus calme les week-ends quand les clients partent sur le bord de mer.” Mais si le littoral offre à la région un atout de taille, elle est par ailleurs pénalisée par un fort taux de chômage. Selon l’Insee, le Languedoc-Roussillon se classe en tête des régions ayant le plus fort taux de chômage en France, avec 13,9 % au 2e trimestre 2014, contre 9,7 % en France métropolitaine. “En un sens, cela engendre une main-d’œuvre à embaucher directement sur les lieux de vente”, explique Charlotte Boisson, à la direction du développement chez Territoires et Marketing. Autre conséquence : la pauvreté de la région. Selon les chiffres de l’Insee*** (2011), la région se classait avant-dernière (devant le Nord-Pas-de-Calais) en termes de niveau de vie, avec un revenu disponible médian de 17 911 euros, contre une moyenne de 19 547 euros en France. Les taux de pauvreté, en 2011, étaient élevés dans tous les départements de la région : 21 % dans l’Aude, 19,5 % pour le Gard, 19 % pour l’Hérault, 15,9 % pour la Lozère et 20,4 % dans les Pyrénées-Orientales, contre une moyenne de 14,3 % en France métropolitaine. “Cette réalité influe bien sûr sur le pouvoir d’achat, poursuit Charlotte Boisson. Les Languedociens consomment, mais ils exercent un arbitrage dans leurs choix. Ils n’essaieront pas de nouveaux produits et se tournent vers ceux qu’ils connaissent et qu’ils aiment. Il faut donc bien choisir son créneau et être sûr qu’il a été éprouvé.” Cette tendance à l’arbitrage laisse aussi penser que les habitants de la région ne se tourneront pas vers les nouveaux pôles commerciaux, et ceux, nombreux, encore à l’état de projet tels que la ZAC Torremila Aéroport (60 hectares), qui se situe dans la communauté d’agglomération de Perpignan. Ces équipements sont prévus alors même que la région est déjà bien maillée. “Les nouveaux programmes de logements sont très chers, car il s’agit de beaux centres commerciaux – alors que la plupart sont des échecs. Or, on a beau multiplier les pôles, cela n’augmentera pas le pouvoir d’achat ! Je conseillerais donc aux candidats à la franchise de s’orienter plutôt vers les lieux commerciaux historiques qui ont fait leurs preuves et où les gens ont leurs habitudes.”
31 500 marchés en été
Il faut aussi avoir conscience de la forte culture locale des marchés qui s’oppose à celle des commerces traditionnels. “Sur l’ensemble des bassins commerciaux, on dénombre plus de 17 500 étals sur une semaine en hiver, et plus de 31 500 en été, poursuit Charlotte Boisson. Rapporté à une ouverture quotidienne, cela représente l’équivalent de 2 500 commerces ouverts sept jours sur sept en hiver et 4 500 en été.”
À ces réalités économiques s’ajoutent, enfin, quelques difficultés à s’intégrer à la région. “Il est très facile de faire des connaissances, il est en revanche moins aisé d’instaurer des amitiés vraiment qualitatives, estime Jean-Paul Simonet. Il faut faire partie d’associations pour réussir à nouer des relations amicales.” Les personnes interrogées se rejoignent sur ce sujet, et soulignent l’importance du rugby pour son rôle dans l’intégration locale. Par ailleurs, la région ne semble pas mettre beaucoup d’outils à disposition des candidats à la franchise ni même des entrepreneurs pour les accompagner. Jean-Paul Simonet indique avoir bénéficié de l’Accre (aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise), mais n’a reçu aucun soutien de la part de la Chambre de commerce et d’industrie****. Autant de réalités locales qu’il faut donc prendre en compte avant de s’engager dans une installation dans le Languedoc-Roussillon.
Néanmoins, la situation évolue malgré tout et le niveau de vie s’améliore. Le nombre de foyers redevables de l’ISF augmente à Perpignan (403 en 2012 contre 433 en 2013 selon le site www.impots.gouv.fr) comme à Montpellier (911 contre 983). Un vol Raynair permet désormais de joindre Londres depuis Carcassonne (Aude), ce qui peut aider à développer le dynamisme du département. L’étude de la CCI sur les Chiffres clés de l’économie du Languedoc-Roussillon en 2014 observait que la situation économique de la région s’améliorait fin 2013 après une croissance atone en début d’année, ce qui laissait “augurer de réelles perspectives de reprise dans de nombreux secteurs, à l’exception de la construction toujours en franche difficulté.” Et bien sûr, tous les franchisés interrogés s’accordent pour souligner la qualité de vie offerte par la région.
* Article publié dans le numéro de février 2015 de L’Officiel de la Franchise.
** La ville compte aujourd’hui plus de 260 000 habitants.
*** Les chiffres de l’Insee s’appuient sur les données des ménages fiscaux, hors ménages en communauté et sans abri, dont le revenu déclaré et positif ou nul. Les revenus informels ne sont donc pas pris en compte.
**** La CCI Languedoc-Roussillon n’a pas répondu à nos questions sur le sujet.
Prix de l’immobilier et du foncier d’entreprise de l’agglomération de Montpellier
Bureaux
Prix d’achat moyen du mètre carré dans le cas d’une revente : 1 374 euros
Prix du mètre carré à l’achat (hors parking) suivant agglomération
Nord : 1 556 euros
Est : 1 122 euros
Centre : 1 620 euros
Prix de vente en seconde main d’un local d’activité*
Nord : 730 euros
Sud : 875 euros