Nouveauté [Vidéo] Vis ma Vie de franchisé chez Del Arte
Premier pas en franchise

L’amplitude horaire

Ouverture le dimanche, en nocturne, ou même les jours fériés, la question fait encore et toujours débat. Quels sont les droits et les devoirs du franchisé en matière d’amplitude horaire ?
 
On ne le dira jamais assez, le franchisé est avant tout un commerçant indépendant et son adhésion à un réseau de distribution ne retire rien à cette vérité de droit.
Certes, sa participation à la politique d’une enseigne commune lui impose, comme aux autres affiliés du réseau, de respecter certaines règles et modalités de fonctionnement. Il reste néanmoins seul maître des conditions effectives du fonctionnement de son entreprise, c’est-à-dire celles qui relèvent de son choix de dirigeant autonome : de la clientèle, des salariés, des rémunérations, des congés et des heures d’ouverture. Ce dernier point paraît spécialement relever de la seule appréciation du franchisé. On trouve d’ailleurs peu d’exemples de réseaux qui imposent aux franchisés d’appliquer des directives strictes dans ce domaine. Il en existe cependant. Il est donc légitime de s’interroger sur la manière dont le droit apprécie ces situations où une volonté extérieure (celle du franchiseur) vient dicter à l’entreprise (celle du franchisé) les horaires d’ouverture et les dates des congés du dirigeant ou de ses salariés.
 
Requalification du contrat
L’écueil dont tout franchiseur doit prendre garde c’est la requalification du contrat de franchise en contrat de travail. Précisons que l’application du droit du travail peut intervenir selon deux fondements juridiques : soit le franchiseur se comporte comme un employeur à l’égard du franchisé en lui imposant un véritable lien de subordination (cas le plus rare), soit la relation de franchise entre dans le champ d’application de l’article L.7321-2 du code du travail (cas le plus fréquent).
Au terme de ce texte : “Est gérant de succursale toute personne :
II. Dont la profession consiste essentiellement :
a/ Soit à vendre des marchandises (…) qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise, aux conditions et prix imposés par cette entreprise,
b/ Soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise.”
Ce texte s’applique dès que le franchisé n’a pour seule activité effective que le traitement de commandes ou de marchandises reçues de ce dernier, depuis un local qu’il a fourni ou agréé, aux prix qu’il a prescrits, dans des conditions imposées par le franchiseur. Pour vérifier si le franchisé travaille aux seules conditions dictées par le franchiseur, la jurisprudence retient notamment comme critère les horaires et les dates de congés (citons parmi une jurisprudence nombreuse : cour d’appel de Rennes 5 juillet 2007, n°06/4657, cour d’appel de Grenoble 1er septembre 2003 n°02/01121, cour d’appel de Montpellier décembre 2004 n°04/00803…). Le fait que le franchisé ne puisse pas décider des heures d’activité de son entreprise et des jours durant lesquels il entend prendre ses congés constitue un critère d’application du droit du travail. Par conséquent, tout réseau qui se risque à organiser le temps de travail de ses affiliés, en dépassant le conseil ou la recommandation, s’expose à voir requalifier le contrat d’affiliation en une relation relevant du droit du travail. Comprenons bien que ce seul critère ne suffit pas à lui seul à provoquer l’application du code du travail. Il compte toutefois parmi les éléments spécialement significatifs d’une éventuelle dérive de la relation de franchise.
 
Préserver l’image de l’enseigne
Pour autant, on peut concevoir qu’un franchiseur puisse se montrer rigoureux sur les conditions dans lesquelles le savoir-faire de la chaîne est proposé à la clientèle de l’enseigne. Il en va de l’image commerciale de la marque et de son impact auprès du consommateur. La jurisprudence est d’ailleurs toute aussi constante pour reconnaître au franchiseur un droit de contrôle sur les méthodes d’activité des franchisés du réseau. Il existe donc également une quantité de décisions qui refusent l’application du droit du travail dès lors que le franchiseur ne sort pas de ce rôle nécessaire et ne porte pas atteinte à l’indépendance du franchisé dans l’exercice de son commerce.
Citons deux exemples :
– par un arrêt du 19 mai 2010 par lequel la cour de cassation a pu décider : “Attendu que la cour d’appel qui, après avoir procédé aux recherches prétendument omises et constaté, sans s’arrêter aux stipulations des contrats, que (…) la société [du franchiseur] n’avait ni autorité, ni pouvoir de contrôle sur lui [l’affilié] dans l’exécution de son travail, a pu déduire que les conditions d’application de l’article précité [article L.7321-2 du code du travail] n’étaient pas remplies et qu’en conséquence la juridiction prud’homale n’était pas compétente pour connaître du litige” (Cass. Soc. 19 mai 2010, pourvoi 09-42641). Cet arrêt reprend une jurisprudence régulièrement réaffirmée par la cour de cassation, au terme de laquelle un commerçant affilié ne peut valablement revendiquer l’application du droit du travail, dès lors qu’il est dans l’incapacité de démontrer que le réseau auquel il a adhéré le prive de toute forme d’autonomie dans la direction et la gestion de son point de vente. C’est bien cette appréciation globale qui permet aux juges de se déterminer ;
– dans une autre décision plus récente encore, du 16 février 2011, la cour de cassation souligne “mais attendu que la cour d’appel a relevé que le co-gérant de la station-service gardait la maîtrise de son organisation interne, employait en permanence huit salariés et répartissait les tâches ; qu’elle a pu en déduire que la société Total ne fixait pas les conditions de travail (…)” (Cass. Soc. 16 février 2011, pourvoi 09-68540). La cour de cassation indique donc bien qu’un commerçant affilié ne peut valablement revendiquer l’application des règles du droit du travail que s’il démontre que toute maîtrise de son organisation lui est refusée.
Pour finir, par un arrêt plus ancien mais plus explicite, la chambre sociale de la cour de cassation a décidé le 6 juin 2007 (pourvoi 06-42951) : “Attendu qu’appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel a relevé, d’une part que madame X. ne justifiait pas que (…) elle avait été effectivement soumise aux ordres, aux directives et au contrôle des sociétés mandantes et d’autres part, que les limites apportées à l’autonomie de gestion de la société mandataire étaient inhérentes à la convention de franchise qu’elle devait respecter (…)”
Le droit de contrôle du franchiseur est donc précisément validé, par principe, mais la cour admet en outre, dès lors qu’il n’y a pas disparition de toute indépendance du franchisé, que les limites apportées à son autonomie sont néanmoins inhérentes à la convention de franchise. Concernant plus précisément les horaires et jours d’activité, d’autres décisions viennent conforter le droit du franchiseur de se préoccuper de la question, dès lors qu’elle relève d’une bonne application du savoir-faire du réseau et de la satisfaction de sa clientèle. Les droits du franchiseur sont d’autant plus justifiés lorsqu’il reçoit sur ce point des plaintes récurrentes de la clientèle de l’enseigne (cour d’appel de Pau, 26 juillet 2000, cité dans “Théorie et pratique du droit de la franchise”, F.L. Simon, éditions Joly). Notons que, dans cette hypothèse, le franchiseur agit pour le bien de l’ensemble du réseau, c’est-à-dire de la réputation de la marque et de tous les franchisés qui l’exploitent.
En conclusion, on retiendra que le franchiseur n’a certes pas le droit d’imposer stricto sensu les horaires de l’entreprise franchisée, pas plus qu’il ne peut d’emblée dicter les jours de congés ouverts à son dirigeant et ses salariés. Il est néanmoins légitime qu’il veille à ce que les périodes d’activité de chaque franchisé soient compatibles avec l’image du réseau et de sa marque, ainsi qu’avec les attentes de la clientèle. L’indépendance du franchisé s’arrête là où commencent les intérêts communs des autres affiliés et plus généralement du réseau dans son ensemble.

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